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Trouver l’équilibre entre la subversion et le respect des codes du pouvoir

S’imposer comme une femme de pouvoir, cela a souvent été singer les codes masculins. Mais on peut aussi incarner une autre forme de pouvoir : celui d’influencer et de faire changer les choses plutôt que de commander et d’imposer sa volonté. 


C’est le chemin qu’a choisi de prendre Céline Camilleri qui est aujourd’hui directrice générale de Haleon, grande entreprise du secteur pharmaceutique. Elle a également, avant cela, été trois ans la directrice générale de la marque Kiri du Groupe Bell, et ce après une carrière de quatorze ans chez Procter & Gamble où elle a fini directrice générale adjointe d'une gamme Pampers. Céline est également fondatrice de l'association Grossesse Santé contre la pré éclampsie depuis six ans et est passée par la case entrepreneuriat au même moment avec PiBoom qui fabriquait des céréales saines pour enfants. 


Ces fonctions l’ont amené à parcourir le monde et à faire face à différents us et coutumes locales intéressantes lorsqu'il s'agit de l'égalité femmes hommes. Malgré ce parcours, que l’on qualifie de prestigieux, Céline est restée nature et ne cherche pas à se fondre dans les codes du monde de l’entreprise pour exister pleinement. Une liberté qu’elle partage avec nous afin de décortiquer les choix et précaution qu’elle suppose. 



La directrice générale de Haleon nous partage sa vision du leadership féminin et comment subvertir les codes du pouvoir tout en les respectant. 

Le pouvoir de commander vs le pouvoir de faire changer les choses


Comme beaucoup de femmes d’expérience, la vision que Céline se faisait du pouvoir lorsqu’elle a débuté sa carrière était très différente de ce qu’elle fait maintenant du pouvoir qui est le sien. 

“Pour moi, le pouvoir au féminin, mon pouvoir, c'est de faire changer les choses, d'avoir un impact avec les hommes et avec les femmes avec qui je travaille. C'est un petit peu différent pour moi de la compréhension que j'en percevais quand j'ai commencé à travailler. J'avais l'impression que le pouvoir, peut être plus masculin à cette époque là, était un pouvoir de commander et un pouvoir de commander sur justement des équipes.”. 

On peut définir cette vision comme celle d’un pouvoir à impact : la capacité de conduire un changement et de mettre ses compétences au service d’un idéal, de valeurs (que ce soit dans son secteur d’activité, mais aussi dans son environnement de travail). Plus que le pouvoir sur les autres, c’est donc le pouvoir, et même la liberté de faire, qui grise et devient le moteur de nos actions. 



Imposer un style nouveau de leadership féminin…


Le pouvoir ne s’exerce ici plus sur des personnes, mais avec ses équipes. Il n’est pas un ordre ou une recherche de contrôle mais une forme de leadership engageant, qui motive les équipes au-delà d’un travail simplement mécanique. 


La force de Céline a toujours été de parler au cœur des gens, de manière sincère et honnête. Un management de l’émotion qui est aujourd’hui très tendance, mais qui n’avait pas vraiment droit de cité lorsqu’elle a débuté sa carrière. 

“J'observais des femmes, il y a une vingtaine d'années. Et je me faisais la réflexion que quelquefois, elles sont plus masculines, peut-être d'une certaine manière, que leurs collègues masculins. Je ne fais pas de généralité.”

C’est toute la complexité de briser des codes, en particulier dans le monde du travail. Il faut en effet créer un style nouveau de leadership sans modèle auquel se référer. A terme, cette différenciation devient un point fort car elle permet de se démarquer et d’imprégner plus fortement ses équipes. 



… tout en respectant les codes corporate


Mais la plus grande difficulté de cet exercice est de trouver la juste mesure entre ce qui nous différencie et le respect des codes de l’entreprise. 

“Il y a quand même des règles du jeu et ces règles du jeu, je les ai comprises. Donc typiquement, j'ai bien compris le leadership, j'ai bien compris le mode assertif, j'ai bien compris comment tout ça a été jugé évalué. Il y a par exemple des forums, des moments, des personnes qui attendent un type de comportement. Ca ne veut pas dire qu’on peut pas décaler de temps en temps, mais il faut le faire de manière prudente et en faisant attention à comment c’est perçu. Faire attention aux éléments de contexte.”

Pour subvertir les codes du pouvoir, il faut aussi pouvoir appuyer son style de leadership sur des résultats. Et surtout les revendiquer de sorte à ne pas se les faire voler (une déconvenue qui arrive à de nombreuses femmes en entreprise). 


Là encore, il faut parvenir à trouver l’équilibre entre revendiquer ses idées et ne pas paraître trop arrogante. Pour une femme, il est plus difficile de placer le curseur. Céline y parvient en se concentrant sur son objectif d’impact. Le plus important, c’est que son idée, peu importe qui se l’approprie, parvienne à faire changer les choses. 



L’importance de l’écoute active


Lorsque l’on s’affirme comme une femme de pouvoir, on est souvent tout sauf discrète. Ce qui représente un risque : celui d’être trop assertive (et donc perçue comme à la limite de l’agressivité ou de l'hystérie). Au quotidien, nous marchons donc sur une ligne extrêmement fine que l’on est pourtant contrainte de suivre pour éviter d’aller trop loin (dans ce qui est jugé comme acceptable par les autres). 


Cela suppose donc d’avoir conscience de la manière dont on est perçue par les autres, justement, et donc une bonne capacité d’écoute (ainsi que l’humilité de savoir se remettre en question). Cette qualité d’écoute est particulièrement importante lorsque l’on arrive à des postes de direction. 

“Quand on arrive dans un Codir, il y a des personnalités très différentes et ça peut être compliqué par rapport à ça. Je pense que l’écoute, c'est important et je pense que le directeur ou la directrice, ou le directeur ou la directrice générale a un rôle important. Il doit être le modèle sur l'écoute. Et quand je parle d’écoute, c'est l'écoute active, car c’est ce qui permet d’'éviter les angles morts”. 

Être à l’écoute, c’est ne pas avoir peur d’entendre des mauvaises nouvelles, avoir l’humilité de savoir que l’on peut avoir loupé quelque chose et être suffisamment confiant pour solliciter des avis contraires. Cela suppose aussi de prendre soin de soi, d’être en capacité de s’ouvrir à d’autres perspectives que la sienne. L’écoute active nécessite ainsi de se montrer aussi bienveillante avec soi que l’on ne l’est avec les autres, car il est impossible d’être en capacité d’ouverture 100 % du temps. 



Comment gérer les oppositions ?


Dans certaines situations, on peut se retrouver justement face à des oppositions, ou des hésitations quant aux décisions que l’on prend ou même le style de leadership que l’on a choisi d’adopter. 


Plusieurs approches peuvent permettre de désamorcer ces oppositions. Notamment de demander de l’aide ou d’inviter la personne à s'interroger sur ses pratiques en mettant dans la balance les conséquences potentiellement négatives de ses actions (comme la souffrance de ses équipes). 


Quand l’opposition est plus forte ou que la personne refuse de se mettre en question, Céline nous invite à : 


  • Ne pas montrer que l’on a peur ou que l’on est déstabilisée ;

  • Reposer un cadre (par exemple le fait que l’on acceptera pas de se faire manquer de respect) pour faire redescendre la pression et se replacer sur un pied d’égalité ;

  • Ignorer la personne pour ne pas la laisser prendre notre énergie. 



Intuition vs analytique


Ce pouvoir d'impacter repose ainsi beaucoup sur l’écoute des autres, mais aussi de ses propres intuitions. Ce côté intuitif, Céline nous invite à le travailler, à lui faire confiance, mais aussi à le tester et à ne pas hésiter à le remettre en question. 

“Je suis quand même fondamentalement plus analytique et dans le concret.  Typiquement, je vais demander et je vais m'assurer que la conclusion à laquelle je suis arrivée n’est pas un hasard, je reviens à ma question. Est-ce que j'ai raté quelque chose ? Voilà. Donc c'est effectivement important pour moi de rester extrêmement concrète, analytique et pragmatique par rapport à ça.”

Là encore, tout est une question d’équilibre entre l’intuition et l’analytique. Cette forme d’intelligence, qui se fonde sur la capacité de réfléchir et de tester ses conclusions, est pour Céline le socle qui nous permettra de nous développer sur le long terme. 

“Je pense que l'intelligence émotionnelle va être un facteur beaucoup plus discriminant que le pur aspect conceptuel ou même le pur aspect stratégique. Cette capacité pour moi à appréhender des organisations et à comprendre le facteur humain est beaucoup plus discriminante. “

L’importance d’un environnement qui donne confiance


Pour finir, l’importance des décisions que l’on prend (comme le style de leadership que l’on souhaite apporter à ses équipes) ne doit pas faire oublier l'impact énorme de notre environnement sur cette liberté d’agir. En effet, elle n’est possible que dans un cadre qui fait écho à nos valeurs, auprès de personnes qui respectent et accompagnent nos engagements (aussi bien professionnels que personnels). 


C’est uniquement à ce prix que l’on pourra s’épanouir réellement et se faire confiance. Cela suppose donc d’enrichir soi-même cet environnement et de redonner la confiance qui nous a été apportée, en faisant preuve de sororité pour les nouvelles générations, et en la soutenant dans l’atteinte de leurs propres aspirations. 

“C'est quelque chose, en tout cas pour moi, qui est important, aussi bien pour les femmes avec qui je travaille, ma tribu personnelle, mes filles. Pour moi, c'est important qu'on s'encourage et qu'on se soutienne à se dire que tout nous est possible et qu'on peut accéder à nos rêves.”



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