Quelles stratégies adopter pour s’affirmer au travail en tant que femme ?
Le saviez-vous ? En France, en 2022, sur 264 000 dirigeant.es salarié.es, seulement 21% sont des femmes. La loi du 24 décembre 2021 impose pourtant aux entreprises un quota de 40% de femmes à des postes de direction (applicable au 1er mars 2026, son objectif devra être atteint au 1er mars 2029). Comment est-il donc encore possible que la parité ne soit pas respectée ? Pourquoi est-il si difficile pour elles d’atteindre des fonctions à haute responsabilité ? Facile ! Il suffit de retourner quelques années en arrière pour comprendre que la législation n’a pas toujours été en faveur de l’emploi des femmes. Imaginez-vous que ce n’est qu’en 1965 qu’elles ont eu le droit d’être embauchées sans avoir à demander l’autorisation de leur mari. Dans ce cadre, comment pourrions-nous envisager que, dépendantes des hommes pour exercer une activité, elles puissent un jour prétendre à des postes de direction ? Comment ce petit pourcentage a-t-il réussi à s’intégrer en entreprise ? Comment se sont-elles frayé un chemin pour conquérir leur place ?
Étape 1 : Déconstruire une éducation au service de l’impuissance des femmes
Un travail de longue haleine est nécessaire afin de se débarrasser du lourd héritage historique, mais également d’un enseignement genré.
Le droit du travail des femmes en France
Malgré les statistiques évoquées plus haut, ne vous méprenez pas, il n’était pas interdit aux femmes d’être cadres. Seulement, pour vous donner un exemple, elles étaient 4% en 1982. Imaginez, en 1988, l’enquête « Conditions de vie et aspiration des français » du Credoc a montré que 40% des français estimaient qu’elles devraient travailler si elles le souhaitaient. Mais qu’en est-il alors des 60 autres pourcents ? Comment avec ces chiffres, est-il possible d’envisager qu’elles occupent des postes de direction et y soient acceptées ?
La prise de parole en public : un exemple parmi d’autres
Ici, nous avons parlé de perceptions. Mais connaissez-vous la règle des deux-tiers / un tiers ? Il s’agit d’une étude menée par Brody & Good en 1986. Elle met en lumière que l’enseignant.e interagit deux fois plus avec les garçons qu’avec les filles pendant la classe. Cette disparité précoce dans les échanges prouve qu’une socialisation différenciée a été appliquée. Les expériences éducatives, à la maison ou à l’école, ont un impact significatif sur les attitudes des individus à l’âge adulte, homme ou femme.
« Et je dois avouer que c'est un de mes chefs à qui je parlais souvent à l'oreille en réunion en disant : « non, ça c'est pas vrai. Pourquoi est-ce qu'on ne ferait pas comme ça ? » Qui m'a dit : « Mais madame Martin, enfin, parlez, mais parlez bon sang ! » Et il a fini par me dire et bien écrire sur mon entretien annuel : « Fanny pense bien, et elle devrait parler parce qu'elle pense bien. » » Fanny Martin Bornn, DRH
Cet extrait du 1er épisode du podcast Le Pouvoir au féminin est bien représentative de ce phénomène. Alors à un poste de direction, elle exprimait ses opinions au travers de son responsable pendant les réunions. Elle ne prenait pas la parole elle-même.
Cet exemple est une goutte d’eau parmi les biais éducatifs empêchant les femmes d’accéder confortablement à des fonctions de cadres. Ceux-ci entraînent de multiples obstacles et défis pour les femmes au travail. Nous l’avons compris, il y a fort à changer dans les mentalités de chacun.e car notre histoire et notre éducation impliquent une normalisation de choses dont on a parfois même pas conscience.
Étape 2 : Gérer les défis et obstacles apportés par les stéréotypes de genre
Dans la conquête de la légitimité de leur place au travail, les femmes rencontrent des entraves persistantes, et d’autant plus dans des postes de cadre. Souvent enracinées dans des préjugés et des stéréotypes de genre, leur progression professionnelle en est freinée. En effet, au-delà de la lutte interne pour déconstruire l’éducation reçue, elles manoeuvrent également dans une lutte externe avec celle des autres.
Gérer ses émotions
Aujourd’hui encore, une femme ne peut pas exprimer l’émotion de la colère parce que c’est mal vu, autant devant un public féminin que masculin.
« Et quand tu commences à être un petit peu en colère, une femme en colère, c'est pas forcément bien vu. Et ça, auprès d'un public masculin comme d'un public féminin. J'ai pu voir les deux. À partir du moment où tu t'énerves, t'as perdu de ton expérience. », Mylène Daudier, Dir. de transformation
Cette idée selon laquelle les femmes doivent se conformer à des normes de comportement spécifiques persiste encore aujourd’hui.
« un homme qui parle fort, c'est un homme qui a du caractère et du tempérament. C'est normal, c'est un guerrier, tout va bien. Une femme qui parle fort, (...), c'est quelqu'un qui n'est pas loin d'être dans l'hystérie. » Valérie Ogier, Dirigeante associée
La différence des mots utilisés montre bien qu’une femme sera plus facilement décrédibilisée qu’un homme. Les mêmes qualités ne sont pas considérées et valorisées de la même manière d’un genre à un autre. Très vite utilisées dans des contextes d’opposition, ces étiquettes viennent discréditer les femmes qui osent exprimer leur désaccord. Elles sont perçues comme ne faisant pas bon ménage avec des postes à responsabilités.
Prouver sa valeur
« Mais cette liberté, vous la gagnez aussi en étant plus malléable que les autres, plus plus corvéable à merci que les autres et en acceptant de faire finalement un dossier dont personne ne veut. Vous le prenez en vous disant : « Bon voilà, quelque part, ça me donnera ensuite un peu plus de légitimité, plus de liberté et plus de facilité pour être moi. » » Fanny Martin Bornn, DRH
Apprendre à se comporter au travail et avoir une démonstration constante et régulée de ses émotions est l’une des premières étapes de l’intégration d’une femme au travail. Toutefois, on constate que malgré une expertise indéniable dans leur domaine, certaines sont confrontées à un devoir continu de faire plus et en particulier à des postes de direction. Pourquoi ? Prouver leur légitimité, leur valeur et justifier leur poste. Fanny le pointe dans l’épisode 1 : certaines femmes sont prêtes à accepter un surcroît de travail pour gagner leur place au sein de leur équipe.
Contrer la persistance des stéréotypes
Une fois qu’on a appris à ne pas être en colère et qu’on a su montrer son utilité, il reste à s’interroger sur l’adaptabilité du métier au genre féminin. En effet, les stéréotypes incessants associent le pouvoir et l’autorité à la masculinité. Cela marginalise les femmes dans les rôles de leadership. Par leur éducation, elles n’ont pas ces qualités. Lorsqu’elles en disposent, elles peinent à être reconnues comme de bonnes managers. Et si, à l’instar Fanny, Aurélie et Caroline, il était possible de voir un poste de direction autrement ? Et si le respect de ses collaborateurs.trices pouvait aussi se gagner en les consultant, en étant dans l’échange ou encore dans la douceur ?
Étape 3 : Établir des stratégies d’affirmation au travail
Et si finalement, le meilleur moyen de conquérir sa place était de se frayer un chemin ? Comment opèrent les femmes qui obtiennent des postes à responsabilité ? Comment jonglent-elles entre la défense de leurs droits et les stéréotypes de genre ?
« Quand vous devez faire face à une moquerie de ce genre, soit on répond sur le fond et très factuellement, mais auquel cas les gens en général ne réagissent pas très bien et vous collent une étiquette moralisatrice féministe. Ce qui peut sembler un peu infamant, mais pas trop. Soit on le prend avec humour et les gens finissent par s'en lasser et ça finit par passer. » Fanny Martin Bornn, DRH
Souvent confrontée au travail à des commentaires sexistes ou dénigrants, il existe deux options : rire ou se défendre. La première implique l’acceptation. La seconde d’en recevoir d’autres. Développer des stratégies d’écoute et de communication semble être le quotidien des femmes dans le monde du travail. L’objectif étant de pouvoir transmettre ses idées sans froisser. Rejoindre les autres dans leur univers et leurs représentations permet d’être audible, crédible et entendue. Elle module sa voix de manière extrêmement basse, pour obliger ses interlocuteurs.trices à tendre l’oreille et prêter attention. La précision dans le choix des mots et la concision dans l’expression sont également essentielles pour maximiser l’impact de la communication. Elle souligne que l’objectif doit être d’obtenir des résultats concrets tout en ajustant son approche pour mieux répondre aux expectatives de ses tiers.
Ainsi, une fois que la prise de conscience de notre éducation genrée et des difficultés qu’elle apporte dans le monde du travail, il ne reste qu’à établir des stratégies pour être entendue et / ou faire entendre ses collaboratrices. L’important pour faciliter la vie de toute.s en entreprise est de conscientiser les biais éducatifs. En effet, faire preuve de créativité et de résilience, afin de surmonter les obstacles et affirmer leur présence à des postes de direction, est le quotidien des femmes au travail. Et pourquoi, comme Claudia, ne déciderions-nous pas d’imposer notre place dans la société ? De choisir de prendre le pouvoir sur celle que l’on veut être, en dépit des attentes et du jugement des autres. Demandons-nous ce qui nous plaît, ce qu’on aime, et trouvons l’espace pour vivre la vie que l’on souhaite véritablement mener tout en résistant à la pression sociale pour ne plus nous adapter à des rôles préétablis.
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Références :
Enquête INSEE, « Les cadres : de plus en plus de femmes », 2020, https://www.insee.fr/fr/statistiques/6047771?sommaire=6047805
Vie publique : https://www.vie-publique.fr/loi/278858-parite-loi-rixain-24-dec-2021-egalite-professionnelle-femmes-hommes
Enquête INSEE, « Les cadres : de plus en plus de femmes », 2020, https://www.insee.fr/fr/statistiques/4768237#tableau-figure1
Brophy, J. E., & Good, T. L. (1986). Teacher behavior and student achievement. Handbook of research on teaching., Macmillan: 328-375. In W. M.C. (Ed.), Handbook of research on teaching (pp. 328-375). New-York: Macmillan.
Podcast « Le pouvoir au féminin », épisode 1, Fanny Martin-Born, DRH
Podcast « Le pouvoir au féminin », épisode 6, Mylène Daudier, directrice de la transformation de Spring Lab
Podcast « Le pouvoir au féminin », épisode 2, Valérie Ogier, dirigeante associée du CIC
Podcast « Le pouvoir au féminin », épisode 1, Fanny Martin-Born, DRH
Podcast « Le pouvoir au féminin », épisode 8, Aurélie Judlin De Hemptinne, DG de Équilibres - « Est-ce que l’objectif, parfois, c’est de ne pas exercer de pouvoir, mais de mettre en lumière ceux des autres ? »
Podcast « Le pouvoir au féminin », épisode 1, Fanny Martin-Born, DRH
Brophy, J. E., & Good, T. L. (1986). Teacher behavior and student achievement. Handbook of research on teaching., Macmillan: 328-375. In W. M.C. (Ed.), Handbook of research on teaching (pp. 328-375). New-York: Macmillan.
Podcast « Le pouvoir au féminin » : https://shows.acast.com/le-pouvoir-au-feminin/episodes/aurelie-judlin-de-hemptinne-dg-de-equilibre-est-ce-que-lobje
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