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Remettre en cause l'ordre établi

Dernière mise à jour : 18 juil.

avec Mylène Daudier de Spring Lab

Le pouvoir au féminin est-il toujours une remise en cause de l’ordre établi ? Pour creuser le sujet, j’ai eu la chance d’échanger avec Mylène Daudier, directrice transformation chez Spring Lab depuis bientôt trois ans. 


Mylène a fait la majorité de sa carrière dans le conseil avec un passage de prof à l'INSEEC. Si nos chemins se sont déjà croisés dans le cadre de nos carrières professionnelles respectives, j’ai eu envie de l’enregistrer dans le cadre du podcast car c’était l’une des deux premières femmes membres du CODIR dans notre organisation, et ce à l’âge de 29 ans. 


J’avais donc envie d’avoir son opinion sur le caractère subversif de son parcours et de la vision qu’elle avait du pouvoir féminin en entreprise. Dans cet épisode, on parle donc de remise en cause de l’ordre établi et, en parallèle, de l’importance de s’adapter à l’organisation que l’on a intégrée sans pour autant travestir ses valeurs. 


La directrice transformation chez Spring Lab nous partage sa vision du pouvoir au féminin comme levier de remise en cause de l’ordre établi.

Interroger le statut quo de l'ordre établi


En entreprise, la posture assertive d’une femme consiste bien souvent à ne surtout pas remettre en cause l’ordre établi. On peut donner notre opinion, tant qu’elle n’empiète pas sur celle des autres. Mais pour Mylène, c’est tout l’inverse. Le pouvoir au féminin, c’est justement interroger le statu quo. 


C’est selon elle la condition sine qua none pour diriger des équipes. Intégrer la direction d’une organisation, c’est forcément avoir des partis pris, choisir entre deux chemins possibles. 


“Être dirigeant, leader aujourd'hui, pour moi, c'est se poser la question de dans quel sens, dans quel monde on veut aller, sur une trajectoire… Concrètement, on ne peut pas se dire que c'est la même direction qu'on a toujours prise. Donc il faut forcément bousculer un peu l'ordre établi, bouger des lignes pour faire avancer les choses”. 

Pour autant, si l’on veut embarquer ses équipes dans cette transformation, il faut aussi faire preuve de diplomatie. Cela implique donc de bien choisir ses mots, quelque chose que l’on apprend rarement dans le cadre de ses études mais plutôt dans la pratique. 


Parfois la vérité que l’on va énoncer, aussi franche et sincère soit elle, peut remettre en cause la personne qui la reçoit. Cela peut générer de la frustration des deux côtés, et pousser le dirigeant à perdre patience. Or à partir du moment où il s’énerve (et encore plus s’il s’agit d’une femme), le combat est perdu. Il est donc crucial d’habiller son message, sans pour autant le travestir. 



L'effet boomerang de casser le plafond de verre


Remettre en cause l’ordre établi, c’est prendre une place que l’on ne veut pas toujours nous donner au sein de l’entreprise. Cela impose bien souvent de s’imposer, justement. C’est ce que l’on appelle communément casser le plafond de verre lorsque l’on est une femme en entreprise. Un acte qui permet parfois d’atteindre des postes plus importants, mais qui n’est pas sans conséquence. 


Mylène a dû casser son plafond de verre à coup de massue, en exigeant de ses responsables qu’ils reprennent point par point son évaluation. C’est grâce à cette prise de position qu’elle a pu atteindre un poste managérial, mais le prix à payer à été sa marginalisation au sein de l’organisation (on oubliait par exemple de la citer dans les grands rassemblements). 


Avant de taper du poing sur la table, il est donc important de respirer un grand coup, et de se poser la question de ce que l’on veut vraiment. Et comprendre les conséquences de ce positionnement au sein de ses équipes. 


Cela demande aussi de se sentir légitime à réclamer un poste que l'on sait pouvoir occuper. Cette légitimité peut venir de notre expérience dans des missions similaires, auprès de publics différents mais peut-être plus objectifs dans l’évaluation de nos capacités (comme des clients externes, par exemple). La légitimité peut aussi émaner de ses propres équipes, du plaisir qu’elles manifestent à travailler avec vous, etc.


“A mon humble échelle, je pense avoir inspiré qu'il était possible d'être une jeune femme de pouvoir, incarner un rôle de leader à sa façon. On a tous une signature, une façon de faire quand on fait les choses. Et du coup, je sais que ça a un impact, parce qu'on me disait qu’on était plutôt content de faire partie de mon équipe."


Faire bouger les lignes sans se travestir


Lorsque l’on rejoint une nouvelle organisation, ou que l’on atteint un poste plus élevé, on peut être tentée de présenter de soi une version plus policée ou tout du moins plus en accord avec la culture interne. 


Tout l’enjeu, si on veut tenir sur la durée et faire bouger les lignes, c’est de le faire tout en restant soi-même. Pour Mylène, c’était d’autant plus important que son objectif était justement de faire évoluer l’image que ses clients et collègues avaient des femmes de pouvoir. 


On pourrait même se poser la question : est ce qu'une femme virile égale un homme doux ? Non, En fait, je pense qu'il y a juste des êtres, des êtres humains. Et c'est plutôt ta personnalité qui va tenter ton management que ton genre l'action c'est c'est le pouvoir, c'est le pouvoir de changer les choses.

C’est d’autant plus vrai pour les femmes en entreprise qui arrivent à des postes à responsabilité ou de management puisque les codes que l’on nous impose sont majoritairement masculins. Il faut chercher la performance, l’endurance, conquérir de nouvelles parts de marché, etc.


C’est d’abord notre personnalité qui va en premier lieu teinter notre management. Le genre ne devraient pas faire de difference même s’il faut partir du principe que pour une femme la colère est interdite car elle nous catalogue comme hystérique ou « chieuse ».



Rester libre en ne cherchant pas à tout prix à être aimée 


Remettre en cause l'ordre établi, c'est aussi cultiver une forme d'indépendance, de liberté et d’esprit critique. C’est à ce prix que l’on peut faire bouger les lignes et avoir un réel impact (ou un réel pouvoir d’influence) sur son organisation. 


“Cette façon d'être me permet aussi de pouvoir me sentir autorisée à dire et faire ce que je pense, quitte à ce que ça ne plaise pas ou que ça ne corresponde pas à ce qu'on attend de moi. Je pense que la liberté de ton et l'esprit critique, c'est pas simple, mais il faut absolument le garder. Et pour faire preuve d'esprit critique, il faut savoir habiller la forme, mais sans jamais trahir le fond.”

Mylène s’est ainsi retrouvée dans une position compliquée lorsqu’elle a réagi à la prise de parole de la présidente de son organisation, qu’elle ne rejoignait pas sur sa vision de l’entreprise. Pour porter son message (et remettre en cause l’omniprésence du chiffre d’affaires dans les indicateurs de réussite et comme boussole de la prise de décision), elle a dû donc y mettre la forme. Une entreprise qui demande beaucoup d’énergie (et qui ne marche pas toujours) mais qui est pourtant essentielle à la bonne entente au sein d’une équipe.  


En entreprise, il faut savoir être caméléon, s’adapter à la personne que l’on a en face de soi (et surtout à son niveau d’égo) aussi bien dans sa manière de s’exprimer que dans sa façon d’être. Mylène conseille ainsi aux futures générations de directeurs et directrices de se créer un lexique du politiquement correct. Il agira comme une bouée de secours lorsqu’ils ou elles ne sauront pas comment dire les choses dans un contexte sensible. 


Au fond, c’est un petit prix à payer pour toucher ses partenaires et collaborateurs et donner un vrai sens à son travail. 


“Je suis hyper bien dans mes baskets quand je sens que j'ai fait bouger un peu les choses, qu’une petite graine a été plantée. Parfois, ça met du temps, mais quand je sens que les conseils que j'ai pu donner à un instant T à une personne ou à un collectif sont intégrés, je me sens bien." 

Les convictions comme boussole


Ce que l’on peut tirer de l’expérience de Mylène, c’est que le pouvoir n’est pas un statut, mais ce que l’on en fait. C’est notre capacité à utiliser nos ressources et nos convictions pour faire évoluer les choses, que ce soit en bien ou en mal. 


En effet, en entreprise, il est difficile de réfléchir en des termes binaires de bien ou de mal. Chaque décision est un arbitrage pris en fonction de ses convictions, tout en sachant qu’elles sont personnelles et peuvent faire polémique. 


Ce sont donc les convictions que l’on se forge par l’expérience (et que l’on remet régulièrement en question) qui nous permettent de savoir si une décision est bonne (dans notre propre référentiel). 


“Ma façon à moi de voir si une décision est bonne ou mauvaise, c'est de me demander si elle est en accord ou non avec mes convictions ? Est-ce que oui ou non ça contribue à initier le mouvement vers un futur plus souhaitable collectivement ou pas ? Est-ce que ça transcende un peu les choses et est-ce que ça crée une autre façon de faire pour se dire que c'est possible de faire différemment ou pas ?”

Car c’est en portant et en poussant à l’adoption collective de ces valeurs que l’on pourra aller vers plus d’égalité. Et surtout que ce combat sera commun, et non pas uniquement porté par des femmes. C’est d’autant plus vrai sur des sujets urgents (comme le changement climatique) pour lesquels nous n’avons plus le temps de réfléchir en termes de genre.






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