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La parité en entreprise : des lois à la réalité

Dernière mise à jour : 14 mars

La parité en entreprise : des lois à la réalité 


Un article un peu spécial pour un épisode du podcast qui l’est tout autant : il s’agit de la seconde table ronde que nous avons organisée avec Comète et Morning, nos deux partenaires.  Enregistré en live avec un public, cette table ronde a réuni trois femmes avec trois visions différentes sur le sujet qui nous importe aujourd'hui : l'impact des lois sur les entreprises et l'évolution de la culture organisationnelle pour arriver à la parité. 


Dans cet épisode, se mêlent les voix de : 


  • Marie-Pierre Rixain, députée de la quatrième circonscription de l'Essonne et à l'origine de la loi qui porte son nom grâce à laquelle nous pouvons entrevoir l'arrivée de la parité en CODIR, Comex et plus largement de cadres dirigeants. Avec elle, nous avons décortiqué l’origine de cette loi, quelle a été son impulsion et comment aller plus loin pour atteindre l’égalité. 

  • Florence Dupré, directrice générale adjointe de la branche santé autonomie de La Poste et fondatrice de Women for CEO, lancée en octobre avec 400 dirigeants et dirigeantes qui s'engagent à agir sur ce qui est à leur portée pour atteindre la parité au plus haut niveau de nos organisations dans moins de dix ans. 

  • Mathilde Poisson, responsable du développement leadership chez Doctolib depuis 2023, L’entreprise compte aujourd'hui 2800 employés en Europe dont 1600 en France, avec un indice d'égalité professionnelle à 93 % et 30 % de cadres dirigeantes. 


Ensemble, nous mettons en lumière le rôle des lois pour favoriser la parité, tout en soulignant la nécessité d'une transformation culturelle au sein des organisations. On s’interroge également sur les obstacles qui persistent, mais aussi les stratégies pour les surmonter, en misant notamment sur une approche inclusive et collaborative. 



Table Ronde - lois paritaires : des voeux pieux à une réalité concrète


Le pouvoir de transformer le monde


Longtemps associé au masculin, le pouvoir est aujourd’hui pour mes invitées un révélateur de notre personnalité profonde. Il permet de dévoiler nos convictions lorsqu’on nous le donne, mais aussi nos motivations profondes lorsqu’on nous l’enlève. 


Défait des attributs virils qu’on lui a longtemps attribués, le pouvoir devient une capacité à embarquer ses équipes et à les fédérer autour d’un projet commun. C’est aussi et surtout une action, celle de transformer le monde en portant une vision politique. Raison pour laquelle il ne faut pas uniquement apprendre à l’exercer, mais aussi savoir le conquérir. 



Le rôle des lois pour atteindre la parité au travail 


Pour dégenrer le pouvoir et aller vers plus de parité dans le monde du travail, la France, comme de nombreux autres pays, a misé sur le cadre réglementaire. L’une des lois les plus emblématiques dans ce sens est la loi Copé-Zimmerman, votée en 2011 et qui a porté ses fruits puisqu'on a aujourd’hui 46,7 % de femmes dans les conseils d'administration, que ce soit dans le CAC 40 ou le SBF 120. Avec la féminisation des CA, on a aussi pu observer une transformation de la gouvernance des organisations, globalement plus performantes. 


Néanmoins, le ruissellement promis vers les autres instances de pouvoir en entreprise, les CODIR et Comex, n’a pas eu lieu. Sans obligation légale, les entreprises n’ont pas trouvé de femmes à nommer, mais des excuses pour ne pas féminiser. La loi Rixain est donc venue combler ce vide juridique, tout en proposant des mesures plus globales sur les violences économiques, les quotas à la BPI ou encore l’orientation scolaire. 


La genèse de la loi et son adoption sont en elles-mêmes symboliques des freins auxquels peuvent faire face les femmes dans des situations de pouvoir. Pour convaincre ses partenaires (MEDEF, banques, employeurs), Marie-Pierre a dû s’appuyer sur des hommes qu’elle a embarqués dans son projet et qui ont affirmé son pouvoir de décision. Un bel exemple que la mixité, lorsqu’elle est collégiale et égalitaire, permet d’arriver à une certaine égalité. 



Changer les organisations en s’appuyant sur le cadre légal


Au-delà des lois, les organisations doivent elles aussi adopter un changement en interne pour créer les fondations nécessaires à la parité, puis à l’égalité. Florence a ainsi créé Women for CEO sur la base d’un double constat : 


  • Le plafond de verre est bien réel, et il est d’autant plus difficile à briser à mesure que l’on grimpe dans la hiérarchie. Le système de sélection reste encore profondément fondé sur l’entre-soi plutôt que la compétence, ce qui pousse les profils féminins à disparaître dans les sphères de pouvoir ou en cas de réorganisation ;

  • Les femmes sont encore peu nombreuses à s’imaginer à des postes de pouvoir. 


“Et donc j'ai décidé à ce moment-là de faire quelque chose qui était un peu fou : réunir 400 leaders, à parité hommes/femmes. 400 personnes qui voulaient s'engager à faire en sorte que la parité, ce ne soit pas pour dans 88 ans, mais dans moins de 10 ans !”

Chez Doctolib, la loi Rixain est venue renforcer une culture organisationnelle résolument tournée vers l’objectif de la parité. Mais la contrainte réglementaire n’en est pas moins bénéfique : elle permet de donner un cap, en indiquant où il faut aller et à quelle échéance. C'est aussi un cadre neutre qui permet d’apporter un peu d’objectivité à la question de la parité et de dépassionner les débats à ce sujet, rendant les réflexions et mesures prises plus efficaces. 



Les quotas : une discimination pour les hommes ?


Si les femmes sont aujourd’hui majoritairement en faveur des quotas (parce qu’ils ont donné des résultats), certains hommes parlent encore de politique discriminante. Pour Marie-Pierre, le pire ennemi de la parité est le climat délétère qui consiste à dénoncer une guerre des sexes. Elle cite l’exemple de la Suède, qui pour atteindre ses objectifs paritaires, a largement communiqué sur les bénéfices que les hommes pouvaient en tirer. Mieux intégrer les femmes au monde du travail signifiait une baisse du taux de suicide des actifs, une économie plus performante, mais aussi la possibilité pour les hommes d’être ce qu’ils ont envie d’être et donc de se défaire de l’injonction à la virilité.  


Créer un cadre législatif permet également d’éviter le backlash que l’on peut voir dans les pays qui n’ont pas suivi cette voie. Aux Etats-Unis par exemple, et dans la Silicon Valley en particuliers, on a ainsi constaté que 70 % des licenciements touchaient des femmes. 


Florence a quant à elle communiqué au sein de son entreprise en s’appuyant sur des chiffres précis, montrant que les chances des hommes d’être nommés à un poste de directeur passaient de 90 à 50 sur 100, ce qui n’était pas aussi dramatique qu’ils auraient pu l’imaginer. Elle a également fixé un objectif de 50/50 à l’entrée du recrutement des patrons business, ce qui a conduit à des nominations paritaires. 


“Et comme ça, les hommes ne se demanderont plus s'ils sont nommés parce qu'ils sont compétents ou s'ils sont nommés parce que ce sont des hommes.”

Chez Doctolib, on a commencé par poser des fondations solides et des règles qui s’appliquent à tous, toutes fonctions et genres confondus. 


“On a fait ce travail depuis une dizaine d'années de s'assurer d'avoir un socle de compétences commun. Chez nous, ça s'appelle un playbook  des règles du jeu et nos règles du jeu dans l'entreprise, c'est huit valeurs qu'on va retrouver à chacune des étapes de la vie d'un employé. On va recruter nos collaborateurs sur la base de ces critères, on va promouvoir des hommes, des femmes sur la base de ces critères, faire des évaluations annuelles, etc. [...] Donc le principal investissement et le plus difficile, c'est de garantir ces standards communs et cette exigence qu'on s'applique à tous.”


Les prochaines étapes pour passer de la parité à l’égalité


Si les lois sur la parité ont porté leurs fruits, on constate encore des améliorations à apporter au monde de l'entreprise. Les femmes sont toujours minoritaires dans les postes tremplin, les organisations ont tendance à élargir leur Comex pour maintenir le même nombre d’hommes et les codes virils du leadership ont encore de beaux jours devant eux. 


La parité se dessine, mais l’égalité, elle, reste encore une terre inconnue. Pour la faire advenir, Marie-Pierre invoque l’importance de la porter d’abord dans nos paroles. 


“Ce sont ces échanges que l'on a ce soir et que l'on a chacun, à nos niveaux ou entre nous, qui font que l'on va identifier des angles morts et que soit le législateur va s'y attaquer, soit l'entreprise va se dire paralysée. Chacun va, à son niveau, se dire : tiens, il y a quand même un petit sujet là, qui ne va pas”. 

L’enjeu est également de dégenrer le leadership et de montrer que l’on a plus besoin de faire les gros bras ou de parler fort pour incarner le pouvoir. Là encore, c’est une initiative qui n’est et ne doit pas être portée uniquement par les femmes. Chez Doctolib, dont 30 % des effectifs sont des ingénieurs (donc majoritairement masculins et avec un profil plus introverti), les hommes aussi réinventent les codes du pouvoir. 


“Je suis convaincu qu'en adressant le sujet non pas au leadership masculin ou féminin, mais en allant sur le terrain, par exemple, de l'introversion versus l'extraversion, c'est un exemple parmi d'autres, on fera bouger les lignes et on embarquera le plus grand monde, le plus grand nombre de gens avec nous, hommes, femmes et toutes toutes fonctions confondues. Et on arrivera à s'adresser à une audience la plus large possible pour y arriver.”

Car que l’on vise la parité ou l’égalité (de genre, de race, d’orientation sexuelle), la recette est toujours la même : nous avons besoin d’embarquer le plus de monde possible pour s’appuyer sur une volonté forte et soutenir une action de fond. 




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