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Faire évoluer les organisations pour une légitimité des femmes au pouvoir


Vous vous apprêtez à embarquer dans un épisode un peu particulier du podcast, puisqu’il s’agit ici non pas d’un entretien en tête à tête avec une femme de pouvoir, mais de la première table ronde enregistrée avec une audience. 


Ici, nous allons donc faire s'entremêler et se répondre trois voix : celle Adeline Afflatet, Directrice Générale de BU chez Galileo Global Education, Julie de Comarmond, ex-DRH chez LVMH et Gaël Chatelain-Berry, auteur du livre ‘Sois un homme ma fille’ et créateur du podcast Happywork. 


Cette table ronde a de plus été organisée avec le réseau Comète, représenté par sa co-fondatrice, Patricia Udekwe. 


Pour cette première table ronde, nous voulions prendre à revers le syndrome de l'imposteur pour se poser la question des évolutions nécessaires (aussi bien au niveau des entreprises que de la société en général) pour que les femmes deviennent automatiquement légitimes à des postes de pouvoir et ne doivent plus lutter pour s’y hisser. 


   Dépasser le syndrome de l’imposteur en dégenrant le pouvoir pour plus de légitimité


L’importance de prendre pleinement conscience de son pouvoir


Pour commencer nos échanges, nos invités nous ont partagé leur vision personnelle du pouvoir : trois intervenants, trois visions différentes.


Pour Gaël, qui a grandi chez les Jésuites, le pouvoir est un outil nécessaire pour changer le monde. Néanmoins, son expérience personnelle de grands groupes lui a surtout montré que le pouvoir corrompt lorsqu’il est essentiellement exercé pour servir ses intérêts personnels plutôt que l’intérêt commun. 


Pour Adeline, le pouvoir est une capacité de faire les choses, d’avoir les mains libres. 


Et pour Julie, nous avons tous beaucoup plus de pouvoir qu’on ne le pense, en particulier les femmes. C’est à force de batailles que l’on prend conscience de ce dernier, mais surtout que l’on arrive à mieux identifier en quoi il est singulier et le sens que l’on donne à chacune de nos prises de pouvoir. 



Pourquoi l’arrivée des femmes au pouvoir est-elle source de controverse ?


Si de plus en plus d'entreprises nomment des femmes à des postes de direction, elles le font encore trop souvent avec une dimension marketing très forte. Ce positionnement a tendance à créer un sentiment ambivalent, entre une avancée positive vers l’égalité femmes-hommes et la remise en question insidieuse de la légitimité des femmes de pouvoir. 


On peut être agacé de ces stratégies de communication, qui effacent parfois la raison principale de la nomination de femmes à des postes de direction : le fait qu’elles soient compétences, tout simplement. En effet, ces annoncent desservent non seulement la femme dont on questione la légitimité, mais aussi l’organisation dont on peut questionner la pertinence des choix ainsi que les intentions. 


En même temps, le fait que l’on ait si souvent privé les femmes de ces accomplissements professionnels a nécessairement généré des biais inconscients. D’où l’importance des quotas, légaux ou organisationnels, qui poussent par exemple LVMH a avoir au moins une femme dans chaque shortlist pour un nouveau poste. 


Le marketing autour de ces femmes leaders permet aussi de pousser à plus d’égalité, de changer la vision que nous avons en tant que société de l’incarnation du pouvoir. Elles deviennent des exemples qui permettent aux futures générations de directrices de se sentir légitimes à ces postes, qui leur donnent envie d’aspirer à ces derniers. 


De plus, on peut se dire que dans un contexte de crise écologique, nous avons plus besoin de ce type de leadership, étiqueté comme féminin. 


“On a besoin de sortir de ces codes de domination, de diviser pour mieux régner, de compétition. Or, on le voit dans le leadership, les femmes dirigeantes ont naturellement une capacité à aller plus vers la coopération, l'entraide, favoriser l'intelligence collective  en étant dans quelque chose de beaucoup plus horizontal que vertical”


Livrer bataille pour accéder au pouvoir


Dans son livre ‘Sois un homme ma fille’, Gaël fait le portrait de Constance, qui se grime en homme et singe les codes masculins pour évoluer au sein de son entreprise. Mais il nous parle aussi de Sophie, qui elle n’a pas connu la même évolution précisément parce qu’elle a fini par accepter qu’être une femme n’était pas compatible avec le pouvoir et qui a donc refusé de livrer une bataille jugée trop dure. 


Cela pose la question de déterminer ce qu’il faut faire, les changements à apporter à notre société, pour que cette question de notre légitimité en tant que femme devienne naturelle et ne nécessite plus de se battre. Mais en attendant d’arriver à ce stade où les attentes envers les femmes ne seront plus au-dessus de celles qui incombent aux hommes, nous aurons besoin de quotas, de contraintes financières. 


On peut aussi se poser la question de l’importance de la culture. Car outre les quotas ou les lois (sur le congé paternité par exemple), les individus doivent aussi faire le choix de l’égalité, poussé par un environnement qui les encourage dans cette direction.


Cela demande aussi un accompagnement, pour aider les femmes à grimper la fameuse falaise de verre. D’autant plus que lorsqu’elles accèdent finalement à des positions de pouvoir, elles sont généralement mises dans des situations beaucoup plus complexes que leurs comparses masculins (comme on a pu le voir pour les rares femmes première ministre par exemple). 


Cet accompagnement est néanmoins l’un des rares effets secondaires positifs du syndrome de l’impostrice. Car ce dernier pousse les femmes à demander plus volontiers de l’aide que les hommes : une vulnérabilité qui, lorsqu’elle est placée au bon endroit, donne un leadership plus conscient de ses forces et de ses failles. Elles peuvent ainsi créer plus facilement des espaces de confiance dans lesquels le droit à l’erreur est autorisé et ainsi faciliter la responsabilisation et la prise d’initiative.



Singer ou dégenrer les codes de pouvoir, telle est la question


A l’inverse du personnage de Sophie, Constance s’est transformée en Constant pour accéder au pouvoir. C’est le dilemme devant lequel sont mises de nombreuses femmes : celui de singer les codes masculins, ou de pousser l’organisation à en changer


“Aujourd'hui, le monde du travail pour les femmes, c'est un petit peu comme si vous débarquiez dans un pays étranger. Il y a deux options : soit tout le monde doit changer de langue, soit vous apprenez le langage du pays. La logique veut qu'on apprenne le langage du pays. C'est ce que dit Constance : je n'ai pas le choix si je veux progresser”.  

Ces codes masculins sont souvent liés à la création d’un rapport de force et notamment à des formes d’irrespect au travail, comme couper la parole, par exemple. Or ils sont à la fois attendus des femmes de pouvoir, car associés au leadership, mais en même temps mal vus lorsqu’elles les adoptent de manière trop fontale. 


C’est ce qu’on appelle le double standard, qui rend plus difficile aux femmes de  poser leurs limites et de dire non, ces comportements continuant de surprendre et d’être jugés lorsqu’ils émanent de femmes, qui peuvent donc se sentir  moins légitimes à les adopter. 


De plus, ces codes de dominations et d'autorité, encore l'apanage de la direction, ne correspondent plus aux attentes des équipes d'aujourd'hui. Ces dernières sont en effet plus en quête de sens, d’épanouissement au travail. Des attentes qui tendent à illustrer la nécessité d’aller vers d’autres formes de leadership, souvent dit plus “féminin” mais surtout plus collaboratif et horizontal.



Le leadership et la légitimité ont-ils un genre ?


On continue d’ailleurs encore de se demander si le leadership a un genre. Fondamentalement non, mais les injonctions liées aux postes de pouvoir restent encore, malgré tout, profondément genrées. On n’attend pas la même chose des hommes et des femmes, que ce soit en termes de résultat ou de style managérial. Nous n’avons pas non plus les mêmes attentes vis à vis de nous-même que nous soyons un homme ou une femme. Gaël est ainsi le seul invité (homme) de cette table ronde à ne jamais s’être questionné sur sa légitimité.


Si changer ces attentes inégales entre les hommes et les femmes reste très complexe (ce changement se fait-il au niveau de l'organisation ou de la société dans sa globalité, via l’éducation ?), on peut néanmoins changer notre vision du leadership. Le voir non pas comme une capacité à imposer ses décisions mais comme celle d’embarquer les gens (en les invitant à nous rejoindre plutôt qu’en les tirant de force). 


On peut aussi aller vers une forme de pouvoir qui accepte de se remettre en cause.. Cela permettrait de déplacer le débat pour aller vers des questionnements plus constructifs : celui du leadership nécessaire pour construire un demain plus égalitaire et diversifié. 


Pour cela, nos invités sont sur des propositions mixtes, ainsi simplifiées :


  • Le bâton, via des moyens coercitif comme les quotas ou des normes imposées à tous (comme le fait de ne pas prévoir de réunion après 17 heures) ;

  • La carotte, à travers un nouveau système de récompense, encourage les managers à se concentrer sur d’autres KPI que seuls les chiffres, faisant ainsi shifter la culture de l’entreprise progressivement. 


Ces changements nécessitent aussi un soutien à tous les niveaux, dans la sphère intime (à travers une éducation bienveillante, un partenaire soutenant), mais aussi dans la sphère professionnelle (à travers des structures d’accompagnement et le soutien de ses pairs). 




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