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Au-delà des quotas – Vers une valorisation des compétences et un leadership inclusif


Rééquilibrer le jeu : Reconnaître et renforcer le véritable potentiel féminin dans le monde professionnel


Dans nos efforts pour atteindre l'équité de genre au sein des entreprises, les politiques telles que les quotas ont souvent été mises en avant comme des solutions pour augmenter la représentation féminine dans les postes de direction. Comme exploré précédemment dans l’article « Quotas de Genre en Entreprise : Leviers d'Équité ou Fausses Bonnes Solutions ? », ces mesures, bien que conçues pour encourager la parité, soulèvent des questions complexes sur leur efficacité et leurs implications. Alors que les quotas peuvent servir de tremplin initial pour une représentation accrue des femmes dans les postes de direction, ils ne suffisent pas, à eux seuls, à instaurer une véritable équité. En effet, envisageons-nous réellement les nominations féminines à leur juste valeur, ou sommes-nous encore influencés par un système qui, tout en visant la parité, pourrait involontairement les placer dans des situations précaires, comme celles décrites par la "falaise de verre" où elles sont plus susceptibles d'échouer ? Sommes-nous aujourd’hui capables de reconnaître les compétences des femmes ? Comment pouvons-nous les intégrer et nous transformer en tant que structures pour soutenir l’épanouissement et la progression de tous et toutes, indépendamment du genre ? 



Comment aller au-delà des quotas, valoriser les compétences et favoriser un milieu professionnel inclusif ? Quels sont les défis et les opportunités associées aux nominations féminines ? Valorisons-nous réellement le potentiel des femmes ou restons-nous ancrés dans un système imparfait ?


La falaise de verre et les nominations de femmes en temps de crise 


Le concept de la « falaise de verre » vous est-il familier ? Ce phénomène se manifeste lorsque, après avoir franchi le plafond de verre, les femmes sont désignées pour occuper des postes de direction principalement en périodes de crise, pendant ou après des épisodes tumultueux au sein de l’entreprise. Elle dévoile des dynamiques internes complexes. 

De nombreux cas, tant historiques que récents, illustrent le parcours de femmes accédant à des rôles de leadership dans des contextes délicats, révélant ainsi les défis doubles auxquels elles sont confrontées. 

La raison de cette pratique réside dans la perception que les femmes possèdent d'importantes compétences en gestion de crise, une forte empathie et la capacité d’introduire de nouvelles approches, les positionnant comme vecteurs de changements bénéfiques. Cependant, est-ce une véritable opportunité ou s’agit-il plutôt d’un piège, compte tenu du risque d’échec particulièrement élevé ? 


Michelle Ryan et Alexander Haslam dans l’étude « The Glass Cliff: Exploring the Dynamics Surrounding the Appointment of Women to Precarious Leadership Positions » ont mis en lumière le fait que, face à une crise, les organisations sont plus enclines à placer des femmes aux postes de direction. La charge de redresser une entreprise, déjà ardue, exerce une pression supplémentaire sur les femmes, qui ne peuvent se permettre aucune erreur et sont soumises à une surveillance plus intense que leurs homologues masculins. 


Bien que de telles nominations puissent valoriser les capacités de leadership féminin, elles risquent également de perpétuer des stéréotypes négatifs en cas d’échec. La pression de favoriser des politiques inclusives, d'augmenter la rentabilité, tout en naviguant à travers les défis spécifiques à la crise, peut être difficile à surmonter. 


Par ailleurs, ces nominations interviennent à des moments clés, quand les organisations aspirent à impulser un changement profond. Elles se tournent donc vers la nouveauté, soit les individus dit "issus de minorités", normalement moins susceptibles d’être sélectionnés que les hommes. Les femmes, dans notre cas, en raison de leurs rares opportunités, sont donc plus enclines à accepter de tels défis, prenant ainsi des risques considérables pour leur carrière et leur réputation future. 


Pour les entreprises, cette stratégie ne peut qu’être bénéfique : elle leur permet de paraître progressistes si le pari réussit, ou de rejeter l’échec sur l’incompétences supposée de la dirigeante si les résultats ne sont pas au rendez-vous. Cette perspective est renforcée par des enquêtes telles que celle du Sunday Times qui suggère que les entreprises britanniques les moins performantes sont celles dirigées par des femmes. Alors même que Michelle Ryan s’est attachée à prouver qu’elles étaient déjà en difficulté avant de les nommer à leur tête. Par ailleurs, les hommes prennent moins de risques, postulent moins et acceptent moins ces types de postes. 


Mais pourquoi ne nommerait-on pas des femmes pour leurs compétences plutôt que pour des quotas ou pour essayer de renverser une crise ?



La valorisation des compétences et du leadership des femmes


« Je refuse d'entendre, oh oui, mais en plus, c'est génial parce que vous êtes une femme. Je pense que c'est presque la pire insulte que l'on puisse recevoir. Parce que non, en fait, c'est génial parce que nous sommes là avec les compétences que nous avons, avec la volonté de changer les choses. » Ann Avril, DG de l’UNICEF France

L’approche de nomination, influencée autant par les quotas que les situations de crise, interpelle sur la notion de mérite. L’idée d’embaucher sans se focaliser entièrement sur les aptitudes professionnelles suscite des doutes sur la validité de telles décisions, notamment lorsqu’il s’agit de femmes. Ces procédés peuvent sembler être guidés par des motifs peu pertinents ou superficiels, une préoccupation rarement soulevée pour les nominations masculines. Et ce, alors même que des alternatives visant à valoriser le talent et les qualifications authentiques existent, telles que l'évaluation de CV anonymisés.

Le succès découle de multiples facteurs, dont l'éducation, l'expérience et des compétences spécifiques. L'importance d'un réseau solide et du mentorat est cruciale dans l'avancement professionnel des femmes, bien que cela implique de braver l'influence prédominante des réseaux masculins.


Il est important de noter que les quotas visent à encourager les entreprises à explorer au-delà des voies habituelles. Aucune société ne choisira une candidate simplement pour son sexe. Si cela peut arriver fréquemment chez les hommes, attribuant des qualités spécifiques à leur genre, cette logique ne s'applique pas aux femmes à cause des stéréotypes auxquels elles sont confrontées. Le risque de compromettre la performance au nom de la parité n'est pas une option envisagée.


Par ailleurs, l'égalité des genres ne s'inscrit pas uniquement dans une démarche de justice sociale mais également comme un levier d'efficacité économique. D'après le FMI, un meilleur équilibre entre les genres pourrait propulser le PIB européen par habitant de 9,6% d'ici 2050. Valoriser les femmes et reconnaître leur contribution se traduit par des avantages tangibles, tant en matière de diversité que de performances économiques.


D’ailleurs, leurs contributions quotidiennes non comptabilisées dans l’activité économique comme les tâches ménagères, la garde des enfants ou la prise en charge de personnes âgées de leur famille pourrait représenter entre 10 et 60% du PIB.

« Or, je le répète, c'est vraiment pas pour ça que j'ai été choisie. J'ai proposé un projet pour l'établissement et c'est sur la base de ce projet que j'ai été nommée. » Aurélie Clemente Ruiz, directrice du Musée de l’Homme

Les femmes doivent réinventer les modalités du leadership. Face à des défis constants et à la nécessité de valider leur légitimité, elles s’investissent pleinement dans leur rôle, cultivant l’unité et l’esprit d’équipe. Leur approche, marquée par l’assertivité et de la bienveillance, favorise un style de management inclusif, en contraste avec des méthodes plus hiérarchiques souvent observées chez leurs homologues masculins. Pour approfondir les distinctions entre les pratiques de leadership féminin et masculin ainsi que leurs compétences uniques, je vous invite à consulter mon article intitulé :  « Assertivité et femmes au pouvoir : une évolution du leadership ». 



Vers un environnement professionnel plus inclusif et égalitaire


Les nouvelles stratégies d’intégration ont indéniablement mis en lumière les déséquilibres de genre persistants dans le monde professionnel. Elles ont également soulevé des interrogations sur leur capacité à promouvoir une véritable équité. La réponse à cette complexité ne réside pas dans une seule et unique solution mais dans une approche plus globale qui valorise le mérite et les compétences tout en démantelant les barrières systémiques qui entravent l’avancement des femmes. 


L’enjeu dépasse la simple question des nominations féminines. Il touche à la nécessité de remodeler nos environnements professionnels pour qu’ils reflètent et encouragent la diversité, l’inclusion et l’équité de genre à tous les niveaux. Cela implique de s’attaquer non seulement aux symptômes de l’inégalité mais à ses racines profondément ancrées dans les cultures organisationnelles, les pratiques de recrutement, et les stéréotypes de genre. 


Pour aller plus loin et prolonger l’action au-delà du recrutement, vous pouvez : 


Développer des réseaux de soutien internes : En encourageant la création de groupes de soutien ou de réseaux pour les femmes dans l'entreprise, vous offrirez un espace pour partager des expériences et trouver du soutien mutuel. Ces réseaux peuvent aussi organiser des événements, des conférences et des ateliers pour renforcer les compétences des femmes.

« Je pense que ça fait beaucoup de bien dans le monde professionnel d'avoir un réseau solide, un réseau aussi, qui est, qui n'est pas dans le jugement pour pouvoir échanger sur notre quotidien qui est effectivement parfois dense et compliqué, et de pouvoir partager nos expériences sereinement, avec empathie. » Aurélie Clemente Ruiz, directrice du Musée de l’Homme 

Mettre en place des programmes de leadership mixte qui aborde le sujet de l'égalité : Par ce biais, vous abordez un changement de culture du leadership vers plus d'égalité à tous les niveaux. Vous permettez une prise de conscience autant de la part des hommes que des femmes sur les stéréotypes de genre pour mettre en place des actions qui prône l'égalité tant dans le recrutement que sur l'évolution des talents.


Retravailler vos politiques de soutien à la parentalité : Allez au-delà des politiques de congé parental standard en offrant un soutien supplémentaire aux parents, comme des services de garde d'enfants sur le lieu de travail ou des subventions pour la garde d'enfants, qui peuvent aider à réduire l'un des obstacles majeurs à l'avancement professionnel des femmes. N’oubliez pas, la parentalité n’est pas qu’une problématique pour les femmes, en prenant cela en compte et en accompagnant les hommes dans leur parentalité également, ils se sentiront plus légitimes pour prendre leur place. 


Je vous invite à lire cet article pour en savoir plus sur l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle.


Former à la sensibilisation aux biais : Former toutes les équipes aux biais inconscients et aux stéréotypes de genre peut contribuer à créer une culture d'entreprise plus inclusive et empathique.


Audit et amélioration des politiques d'évaluation : Réviser les systèmes d'évaluation des performances pour s'assurer qu'ils sont justes et objectifs. Cela peut inclure l'utilisation de critères clairs et mesurables, la formation des évaluateurs pour minimiser les biais personnels, et la mise en place de mécanismes de feedback régulier.


Engagement de la direction : Assurer que les leaders et les cadres supérieur·es de l'entreprise montrent l'exemple en matière d'équité de genre et d'inclusion, et qu'ils s’engagent ouvertement dans la promotion de ces valeurs dans toute l'entreprise.



L’évidence est là : instaurer des quotas peut sans problème amener à une équité de genres dans les milieux professionnels, mais peut-elle effacer les inégalités de traitement ? Ces mesures viennent servir de catalyseurs initiaux pour augmenter la représentation féminine, mais elles ne constituent qu’une partie de la solution. La solution est tout simplement de nommer les femmes pour leurs compétences, de savoir valoriser leurs savoir-faire et de ne pas uniquement les prendre en compte dans les situations de crise pour améliorer son image. 


Toutefois, pour permettre que cela arrive, il est nécessaire de construire des environnements de travail véritablement égalitaires. Les entreprises doivent adopter une approche holistique en créant des politiques favorables et équitables pour tous et toutes afin de transformer la culture organisationnelle. En intégrant ces stratégies de manière cohérente et soutenue, nous pourrons parler d’équité, non seulement comme un impératif moral et social, mais aussi comme une stratégie d’innovation et de performance. 



Pour approfondir les sujets du leadership et de la place des femmes, suivez la newsletter Hand So Act - Leadership & Co



Sources : 

  • Ryan, Michelle K., and S. Alexander Haslam. “The Glass Cliff: Exploring the Dynamics Surrounding the Appointment of Women to Precarious Leadership Positions.” The Academy of Management Review, vol. 32, no. 2, 2007, pp. 549–72.

  • Elizabeth Judge, Women on board : help or hindrance ?, The Sunday Times, November 11 2003.

  • Podcast « Le pouvoir au féminin », Épisode 19, Ann Avril, DG de l’UNICEF France

  • J. D. Ostry, J. Alvarez, R. Espinoza, and C. Papageorgiou, Economic Gains from Gender Inclusion: New Mechanisms, New Evidence. IMF Staff Discussion Note. Octobre 2018, consultée depuis : https://www.imf.org/fr/Blogs/Articles/2018/11/28/blog-economic-gains-from-gender-inclusion-even-greater-than-you-thought 

  • Podcast « Le pouvoir au féminin », Épisode 13, Aurélie Clemente Ruiz, directrice du Musée de l’Homme

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